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Interview de Catherine AILLAUD, promotion ESLSCA Grande Ecole 1988
1) Bonjour Catherine. En quoi l'ESLSCA a été un vecteur d'inspiration pour toi ?
J'ai été frappée par la qualité des enseignements, leur variété, le sens pratique des professeurs et le travail en commun avec d'autres élèves. Mais, pour moi, l'apport le plus décisif a été le foisonnement de la vie associative, dans laquelle je me suis engagée immédiatement et durablement. Recrutée comme choriste alto dans le Choeur et Orchestre des Grandes Ecoles (COGE), j'en suis devenue la responsable pour l'ESLSCA et Secrétaire Général de l'association. J'y ai rencontré de merveilleux amis, issus de l'Ecole Polytechnique et d'autres écoles d'ingénieurs. J'ai aussi intégré la troupe de théâtre de l'ESLSCA, "les Ribouldingues" en qualité de souffleur, accessoiriste, et régisseur de plateau : expérience marquante dont je reparlerai.
2) Est-ce que le réseau des anciens de l'ESLSCA t'a aidé dans ta carrière ? Quelle est ta relation avec ESLSCA Alumni ?
A l'époque de mon diplôme en 1988, l'internet et le téléphone portable étaient peu répandus dans le grand public, aussi le "réseautage" était plus compliqué qu'aujourd'hui. Par ailleurs, j'ai quitté assez vite Paris, pour retourner vivre à Marseille, ma ville natale, ville chaleureuse, où les relations s'établissent directement par la rencontre humaine, et c'est très heureux. J'ai repris contact avec ESLSCA Alumni fin janvier 2024, un peu par curiosité. Et ensuite, les échanges de mails sympathiques avec Pierre CHICHA et Philippe ISRAEL m'ont convaincu de participer à la recherche d'anciens susceptibles d'apporter leur témoignage dans la newsletter d'ESLCA Alumni.
3) Peux-tu nous parler de ton parcours assez surprenant ?
Diplômée de l'option "Affaires Internationales" mais attirée par les Ressources Humaines, j'ai entrepris un 3e cycle professionnel en Ressources Humaines et informatique, et j'ai été recrutée à l'Agence Nationale pour l'Emploi : j'y ai travaillé dix ans comme animateur d'équipe dans quatre établissements, dont deux nouvelles agences pour lesquelles j'ai participé aux réunions de chantier. J'ai rencontré quantité de personnes très différentes, beaucoup de chefs d'entreprises. Je me rappelle d'un détective à Bois-Colombes, du PDG d'une entreprise de parfums à Asnières, d'industriels à L'Estaque, de nombreux directeurs de théâtres marseillais quand j'organisais des castings pour des films, des publicités ou du théâtre !
Ensuite, j'ai réussi le concours d'attaché territorial et je suis devenue chargée de mission à la formation professionnelle pour le Programme Régional de Formation, à Marseille. J'étais constamment en déplacements et je rencontrais dans une même journée le Préfet, un adjoint au Maire, des migrants, des détenus...
Je suis très fière du soutien que j'ai apporté aux formations artistiques, et aux formations d'insertion professionnelle pour sortir de la violence les femmes victimes de la prostitution. En 2003, une rencontre à l'Ecole Nationale d'Administration des Cadres Territoriaux, m'a permis de découvrir un monastère du Tarn, celui des moines de saint Benoît d'En Calcat, et d'aller voir les moniales de sainte Scholastique de Dourgne, juste à côté. Un monde inconnu s'ouvrait. J'ai alors démissionné du Conseil Régional ; pourtant une très belle carrière s'offrait à moi... En plus, j'avais crée un orchestre classique, j'étais Secrétaire général et chef de pupitre du Choeur Philharmonique, accueilli à l'Opéra de Marseille. J'étais d'ailleurs abonnée à l'Opéra et j'en étais passionnée. J'avais été responsable syndicale CFE-CGE, Président de copropriété pendant dix ans, clarinettiste dans un orchestre de création contemporaine, etc. J'ai quitté tout cela. Plus étonnant, j'avais un profil agnostique. Pour ceux qui me connaissaient, c'était étrange.
4) Comment as-tu vécu ce virage radical ? Et comment le vis-tu aujourd'hui ?
Comme un appel intérieur qui me questionne sans relâche. C'est aussi un combat permanent. Mais comme l'a dit le Pape François, il faut choisir entre la vie dans un canapé ou une vie de rencontres, de projets, d'aventures ! J'ai donc choisi la vie monastique. Certes, la vie communautaire est très exigeante, mais je crois que cela vaut le coup. Donner sa vie pour Dieu est audacieux, mais là encore, j'ai fait le choix de l'espérance. J'ai travaillé dans de nombreux services à l'abbaye, en particulier en cuisine, à l'accueil, à la comptabilité, à l'organisation de sessions de formation pour des jeunes et comme chantre. J'ai pu faire des études bibliques et théologiques extraordinaires avec le Studium Théologique Inter-Monastères, soutenu par les facultés jésuites de Paris, et ensuite avec la Faculté de Théologie de Toulouse. Nous avons également un programme de formation continue remarquable. Depuis début 2024, nous avons bénéficié de quatre sessions dont une de patrologie latine, et une autre sur l'intelligence artificielle. Et évidemment, nous avons régulièrement des sessions de chant, puisque nous chantons toute la journée 365 jours par an !
5) Catherine, quel conseil donnerais-tu à un jeune étudiant à l'ESLSCA ou à un jeune diplômé ?
Surtout, écoute ta conscience, suis tes rêves. Lance-toi dans des essais, expérimente sans cesse. Et si cela ne marche pas, fais autre chose et ne te décourages pas. Cherche des personnes bienveillantes et encourageantes. Demande conseil et relie-toi aux autres. Moi-même, après seize ans de vie au monastère, j'ai ressenti une lassitude, et j'ai demandé à ressortir. J'ai retrouvé un emploi en l'espace de 3 semaines, comme comptable dans le service MNA du groupe ADDAP13 à Marseille. J'y ai fait une formation de coach PNL et j'ai obtenu mon habilitation de Maître d'Apprentissage, en accompagnant un jeune Capverdien vers son BTS. J'ai vécu quatre années riches en rencontres, avec ma famille, mes amis, et avec des collègues de travail d'une grande gentillesse. Ce temps m'a permis de créer de nouveaux liens d'amitié très précieux. Cela a été aussi un temps de discernement : Discernement sur mon appel, discernement sur ma vocation. Et ma décision a été de tout quitter à nouveau, pour réintégrer ma communauté monastique. Ai-je fait le bon choix ? Aujourd'hui, je vis une vie simple, tournée vers l'être. Une vie, pleine de reconnaissance et de joie de vivre ce qui est donné, ici et maintenant, avec ma communauté. Alors, oui, jeune ESLSCAsien, prends le temps de réfléchir à ta vocation, et n'aies pas peur de changer de voie, même plusieurs fois ! Prends le temps de relire tes expériences et de choisir avec ton coeur !
6) Quel est ton meilleur souvenir de l'ESLSCA ?
La pièce de théâtre "Les portes claquent" de Michel Fermaud. Nous avions obtenu de la jouer à plusieurs reprises dans un théâtre parisien et ensuite au théâtre de Neuilly sur Seine. Cette pièce est vraiment drôle et les camarades jouaient franchement bien. J'étais chargée, entre autres, de préparer le plat que les acteurs devaient manger sur scène. Je me souviens que lors d'une représentation, le rôti était trop cuit et les couteaux pas assez aiguisés, et du coup la scène a dû être prolongée et les acteurs ont été obligés d'improviser ! Une autre fois, à la régie plateau, je faisais sonner le téléphone trop longtemps, ne pouvant pas voir les acteurs sur la scène qui avaient déjà décroché le combiné, ce qui provoquait les rires du public ! Malgré les imperfections, à chaque représentation, le public nous a fait un triomphe, et quand le rideau tombait, nous étions heureux et fiers d'être la compagnie de théâtre "les Ribouldingues" de l'ESLSCA.
7) As-tu quelque chose à proposer aux ESLSCAsiens ?
Si tu veux découvrir quelques uns de nos projets, faire du wwoofing, devenir bénévole chez nous,... écris-moi sur : newsletter@benedictines-dourgne.org , et je t'enverrai notre modeste newsletter, dont je suis la conceptrice et rédactrice.
Je signale que nous cherchons des porteurs de projets pour redonner vie à notre ferme et à deux parcelles attenantes : projets de maraîchage ou petite paysannerie, ateliers artistiques ou artisanaux... L'Appel à Projets sera disponible à partir du 21 juin, mais je peux déjà donner des informations. A bientôt ?
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