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Interview de Lorraine Thiria, Artiste peintre & Photographe, ESLSCA promo 1992

02 avril 2024 Vie de l'Association
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1) Bonjour Lorraine. En quoi L'ESLSCA a-t-il Ă©tĂ© un vecteur d’inspiration pour toi ? En particulier, pour ta premiĂšre vocation d’avocate en droit des femmes ?


En intĂ©grant l’ESLSCA en 1989, je ne savais absolument pas ce que je voulais faire. L’inspiration est venue lors d’un cours d’amphi de droit pĂ©nal des affaires de MaĂźtre Bianca Lauret, avocate au barreau de Paris, qui m’a totalement passionnĂ©e.

Je me souviens m’ĂȘtre dit que je voulais absolument poursuivre dans cette voie, que j’aimais l’esprit et la rigueur intellectuelle des matiĂšres juridiques que je dĂ©couvrais. J’ai donc choisi l’option juridique et fiscale en troisiĂšme annĂ©e puis ce professeur m’a aidĂ©e Ă  constituer un dossier pour poursuivre le droit Ă  l’UniversitĂ©.

 

AcceptĂ©e aprĂšs l’école en Ă©quivalence maĂźtrise, j’y ai suivi un double cursus de droit des affaires (troisiĂšme cycle alors appelĂ© DESS, doublĂ© d'un DJCE) puis, diplĂŽmes en poche, j’ai passĂ© le concours du Barreau de Paris que j’ai rĂ©ussi la mĂȘme annĂ©e.

J’ai alors intĂ©grĂ© l’école de formation Ă  la profession d’avocat (CFPA) puis prĂȘtĂ© serment. Pendant quasiment vingt ans, j'ai exercĂ© cette profession en cabinet, les premiĂšres annĂ©es en droit des affaires, puis trĂšs rapidement en droit du travail (cĂŽtĂ© salariĂ©) puis en droit de la famille, mes dossiers me menant progressivement Ă  la dĂ©fense des femmes et de l’enfance en danger.

J’ai quasiment exclusivement travaillĂ© en judiciaire, civil et pĂ©nal, plaidant la cause des femmes devant les Tribunaux et les Cours d’Appel.


J’ai vite compris que mon intĂ©rĂȘt pour le raisonnement intellectuel et la pratique judiciaire Ă©tait doublĂ© d’un besoin de dĂ©fendre les plus vulnĂ©rables, et que la connaissance du droit avait le pouvoir de rĂ©parer certaines injustices et certains traumatismes.
Bien avant le mouvement #MeeToo et la crĂ©ation de la CIIVISE, j’étais au coeur de ces questions et mon quotidien Ă©tait imprĂ©gnĂ© des violences faites aux victimes, femmes et enfants, Ă  qui je tentais de donner une voix.

 

Mon parcours est donc nĂ© d’une inspiration et d’une rencontre.

 

 

 

2) Parle-nous de toi et de ton virage vers la voie d’artiste peintre et photographe ?


J’étais toujours passionnĂ©e quand j’ai quittĂ© la profession d’avocate. La dĂ©fense des femmes que j’ai assurĂ©e Ă©tait souvent complexe, Ă©prouvante, exigeante, les victimes occupaient une grande partie de ma vie, et leur combat n’était pas conciliable avec un temps restreint ou une Ă©nergie partielle ou partagĂ©e.


Je vivais avec trois enfants en bas ùge et mon quotidien était schizophrénique !


De plus, parallĂšlement et depuis toujours, j’avais une sensibilitĂ© pour la peinture dans l’art et pour l’art de peindre. Je courrais les expositions, dĂ©vorais les essais sur l’art et peignais en autodidacte des toiles et compositions abstraites.
AprĂšs avoir vainement tentĂ© d’allier mes deux passions, celle pour le droit et celle pour la peinture, j’ai su qu’un choix s’imposait Ă  moi.
J’ai choisi l’art, ai postulĂ© auprĂšs de plusieurs Ă©coles et ai Ă©tĂ© acceptĂ©e Ă  l’Ecole d’Art Mural de Versailles oĂč j’ai appris toutes les bases et techniques acadĂ©miques de peinture dĂ©corative.
M’affranchissant par la suite de celles-ci pour rĂ©vĂ©ler un regard plus contemporain, en lien avec mon goĂ»t pour l’abstraction, je me suis installĂ©e comme peintre en dĂ©cor et ai composĂ© chez mes clients des murs matiĂ©rĂ©s et vivants, crĂ©ations uniques et originales constituĂ©es de pigments, de sables, d'enduits et d'oxydations.
J’utilisais alors de nombreuses photographies de « matiĂšres » que j’avais prises lors de voyages et qui m’inspiraient pour ma peinture murale.


Une rencontre m’a permis de comprendre que mes photographies Ă©taient empreintes d’un regard pictural et s’imposaient Ă  elles seules, non pas uniquement comme matĂ©riau de reproduction ou d’inspiration mais bien comme travail autonome et libre.
J’ai donc travaillĂ© parallĂšlement peinture et photographie, la frontiĂšre entre les deux Ă©tant parfois imperceptible, et j’ai commencĂ© Ă  en jouer en expĂ©rimentant diffĂ©rentes techniques, notamment de supports d’impression et de superpositions.


J’aime expliquer que le filtre pictural (nĂ© de mes liens avec la peinture) s’insĂšre toujours entre mon oeil photographique et la rĂ©alitĂ© concrĂšte figurative que je dĂ©construis pour crĂ©er une abstraction.


Mon travail photographique est né de ce regard et de cette influence.


Il a Ă©tĂ© repĂ©rĂ© une premiĂšre fois pour le festival Phot’Aix Ă  Aix-en-Provence en 2021, puis de rencontre en rencontre, j’ai exposĂ© Ă  Paris, en CorĂ©e, en Malaisie, et prochainement au Japon au festival international KG+ Kyotographie Ă  Kyoto, puis en Inde Ă  New Delhi au mois de juillet prochain oĂč sera organisĂ©e une retrospective de mon travail photographique dans la fameuse galerie Romain Rolland.

 

 

 

3) Qu'est-ce qui te passionne le plus dans ta vie d’artiste ?


Ce qui me passionne dans la crĂ©ation artistique, c’est la libertĂ© et la possibilitĂ© de se rĂ©inventer Ă  chaque moment.
N’ayant pas confiance en moi, ce sentiment me donne une Ă©nergie qui me permet d’avancer en tentant de chercher toujours, d’expĂ©rimenter sans jamais avoir de certitude. C’est le doute qui me nourrit.


A l’inverse du droit oĂč je ne pouvais pas me permettre de douter et oĂč chaque argument Ă©tait pesĂ©, vĂ©rifiĂ©, Ă©tayĂ©, l’art me mĂšne Ă  un endroit oĂč je suis parfaitement libre.


Et je le suis d’autant plus que je dĂ©cide seule du chemin que j’emprunte et de ce que je crĂ©Ă© (avec la peur de ne pas trouver, et le doute qui me tenaille) quand le droit m’enfermait dans une dĂ©cision qui ne m’appartenait pas (puisque prise par les juges).


J’aime me rĂ©fĂ©rer Ă  ce que disait Fabienne Verdier, cette immense peintre : « AprĂšs avoir appris, il faut savoir dĂ©sapprendre. DĂ©sapprendre pour parvenir Ă  une totale libertĂ© intĂ©rieure (
). On ne conquiert pas cette libertĂ©-lĂ . Elle naĂźt en vous un matin d’hiver ».


Elle a transformé mon regard.

Expositions à Busan, Corée du sud, et à Paris.
Crédit photo @Cyril Point

 

 

4) Que t’apporte le fait d’exposer tes oeuvres dans de nombreux pays ? Est-ce que tu voyages dans ces pays ? Y as-tu fait des rencontres importantes ?


J’ai toujours aimĂ© voyager et rĂȘvĂ© de voyager tout en alliant voyage et travail. J’aime l’aventure du voyage, les rencontres et les multiples ouvertures qu’il permet. J’aime les pierres, les matiĂšres, leur histoire et leurs mĂ©moires. Voyager me permet de les rencontrer, c’est-Ă -dire de les Ă©couter, et de tenter, par la photographie, d’en restituer le langage.


Le droit que je pratiquais ne me permettait pas de voyager dans d’autres pays ni de dĂ©couvrir d’autres cultures et c'est ce qui me manquait.


La photographie rĂ©alise ce rĂȘve. Je suis passionnĂ©e par l’Asie, j’y ai effectuĂ© de nombreux voyages et dĂ©sormais, je dĂ©couvre ses pays en y exposant mon travail artistique. Mes expositions sont Ă  chaque fois l’occasion de rencontres et d’échanges artistiques et culturels qui m’inspirent et me font me sentir vivante.
J’aime crĂ©er des Ă©motions Ă  partir de sensations visuelles elles-mĂȘmes crĂ©Ă©es par des propositions d’abstractions photographiques.


J’ajoute que je partage cette passion avec l’homme de ma vie. Explorer ensemble nous permet de nous questionner, de composer, de crĂ©er du mouvement et de renouveler sans cesse l’expĂ©rience crĂ©ative.

 

 

 

5) Quel conseil donnerais-tu à un jeune diplÎmé pour réussir sa vie ? ou plutÎt ses vies !


Le meilleur conseil à donner, je trouve, est celui de suivre ses envies et de ne pas subir les injonctions de la société ou de la famille.
Autant il est normal d’arriver en Ă©cole de commerce et de ne pas savoir ce que nous rĂ©serve l’avenir, autant il est dommage de se conformer Ă  ce que les autres attendent de nous ou projettent sur nous.
J’en ai personnellement souffert. C’est la raison pour laquelle suivre son intime conviction et sa libertĂ© d’ĂȘtre, de penser, d’agir sont les meilleurs conseils Ă  donner Ă  un jeune diplĂŽmĂ©.
Avec l’idĂ©e Ă©galement de ne pas s’immobiliser ou se satisfaire d’une voie.
C’est une des auteurs que j’admire, Nancy Huston, qui Ă©crivait : « Rien ne te fera plus peur que l’immobilitĂ©. Le mouvement du monde qui freinerait, ralentirait, s’arrĂȘterait  ».
Autrement dit, avancer, chercher, sonder, rester ouvert et curieux aux rencontres et aux opportunités. Et ne pas avoir peur du changement !

 

 

 

6) Quelle est ta relation avec le réseau des Alumni de l'ESLSCA ? Quelle importance a joué le réseau Alumni et les autres réseaux dans ton parcours ?


Je n’ai pas de relations trĂšs assidues avec le rĂ©seau des Alumni mais suis en contact permanent avec certains anciens, soit dans mes relations amicales, soit plus lointaines ou professionnelles.
D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, je ne suis pas trĂšs rĂ©seaux, aussi bien quand j’étais avocat qu’aujourd’hui en tant qu’artiste.
Cependant, mon mĂ©tier actuel me pousse Ă  me connecter et c’est ainsi que j’ai pu mettre en place des expositions intĂ©ressantes.
Ainsi, ma premiĂšre exposition en Asie en 2022 a Ă©tĂ© montĂ©e grĂące aux relations d’une amie rencontrĂ©e Ă  l’école d’art mural, et lors de cette exposition, le conservateur du musĂ©e a acquis deux de mes photographies pour rejoindre ses collections permanentes, occasionnant ainsi d’autres mises en contact, puis d’autres expositions, et ainsi de suite.

 

 

 

7) Quel est ton meilleur souvenir Ă  L'ESLSCA ?!


Incontestablement mon meilleur souvenir est celui de l’association de ThĂ©Ăątre montĂ©e Ă  l’école avec certains autres Ă©tudiants qui sont mes meilleurs amis encore aujourd’hui : l’écriture des textes, les rĂ©pĂ©titions, les reprĂ©sentations, les festivals, ont nouĂ© entre nous des liens
indéfectibles.

Aujourd’hui, nous exerçons des mĂ©tiers trĂšs diffĂ©rents : juge, instituteur, comĂ©dien, chercheur, photographe 
 et nous ne cessons d’échanger, de construire, de dĂ©construire et de nous rĂ©inventer.

©Lorraine Thiria

©Lorraine Thiria

©Lorraine Thiria

 

www.lorrainethiria.com
www.lorraine-artwork.com
Instagram : macosmicgirl
Mail : lorraine.works@gmail.com

Crédits photos : ©Lorraine Thiria, ©Cyril Point 

 

 

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đŸ“©  Par mail Ă  l'adresse suivante : info@alumni-eslsca.com

ou

📞 Par tĂ©lĂ©phone en contactant Philippe au 06 85 81 24 75 




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1 Commentaire

Pascal MONIER (Grande Ecole, 1970)
Il y a 29 jours
Une interview aussi inĂ©dite que captivante â€ŒïžđŸ€—

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