Actualités

Partager sur :

Corneille, prête-plume de Molière ?

25 janvier 2022 Vie de l'Association
Vue 119 fois

Diantre ! Molière n'aurait rien à voir avec l'œuvre de Molière ! Le grand Corneille serait l'auteur de ses pièces les plus prestigieuses. Mais comment en est-on arrivé à cette hypothèse qui remet en cause l’œuvre d'un de nos écrivains les plus populaires ?

 

Reprenons l'affaire à son commencement : était-il imaginable qu'un fils de tapissier, un jeune ingrat qui a fait le désespoir de son père en abandonnant ses études, ait pu donner naissance à une telle somme de chefs-d'œuvre ? Il y a tromperie, sans aucun doute ! Ce Jean-Baptiste Poquelin n'est qu'un rêveur qui a cru bon de suivre une troupe de saltimbanques à travers la France pour attirer l'attention de la jeune première, la séduisante Madeleine. Ce n'est pas en écrivassant quelques vers pour plaire à une belle qu'on devient écrivain, et encore moins écrivain du roi.

Puisque Molière n'a pas les épaules pour devenir une grande plume, c'est qu'une grande plume lui a prêté main forte.

Le poète Pierre Louÿs en est convaincu. Après des années de comparaison stylistique, en 1919 il donne même un nom : l'auteur d'Amphitryon, du Misanthrope et de toutes les pièces « sérieuses » de Molière, c'est Pierre Corneille. Lui-même auteur de comédies à succès (L'Illusion comiqueLe Menteur), il était capable d'écrire très vite, dans des styles variés et en abondance pour subvenir aux besoins de sa nombreuse progéniture. Ses tragédies sont là pour prouver qu'il avait une culture bien plus riche que ce pauvre Molière dont la bibliothèque, à sa mort, ne contenait que 200 volumes. Le bouffon du roi, débordé par la gestion de sa troupe et son propre métier de comédien, ne pouvait rivaliser avec ce bourgeois bien installé, ancien avocat et membre de l'Académie française, deux fonctions auxquelles son concurrent n'a jamais pu accéder.

 

Amis ou complices ?

Un accord secret aurait-il existé entre les deux hommes : à l'un le masque, à l'autre la plume ? Nicolas Boileau avait-il soupçonné la tromperie lorsqu'il avait déclaré : « Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe / Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope » ?

Loin d'être enterrée avec le temps, cette thèse traversera les décennies et sera popularisée par Franck Ferrand en 2008. Pour le journaliste d'Histoire, la rencontre entre Molière et Corneille en 1658 à Rouen aurait étrangement permis à un petit créateur de farces grossières de devenir un auteur majeur et admiré, capable d'écrire des pièces très ambitieuses. Appelés à la rescousse, les linguistes relèvent des ressemblances lexicales étonnantes entre les œuvres des deux hommes, tous deux employant les mêmes mots à la même fréquence. Ils en profitent pour faire remarquer qu'il est curieux que Molière n'ait laissé aucun manuscrit...

Alors, l'austère Corneille se cachait-il derrière le flamboyant Molière ?

On peut être certain qu'une telle supercherie n'aurait pas longtemps échappé aux ennemis de Molière, nombreux. Ne l'a-t-on pas accusé de s'être uni avec sa propre fille ? Il aurait été plus simple de le dénoncer comme imposteur ! Cette vie d'artiste, si sujette à rumeurs, explique qu'il ait pu mettre en scène faux dévots et libertins sans peur pour sa réputation, ce que n'aurait jamais fait le pieux Corneille. Quant aux rapprochements linguistiques, il est normal que deux personnes ayant étudié chez les jésuites puis fréquentant les mêmes milieux cultivés, s'expriment avec les mêmes mots et les mêmes références culturelles. Il a d'ailleurs été montré qu'en comparant les œuvres de Baudelaire et Rimbaud, on pouvait en conclure que l'auteur des Fleurs du mal avait aussi écrit les Cahiers de Douai !

 

Article tiré de Herodote.net




J'aime

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.

Proposer une actualité !